vendredi 12 mars 2010

Bali Maman!

Sibetan : « Entendu cocololo? Ah, c’est cocololo! »

25 février, à mi-chemin de nos vacances, on plonge un peu plus dans la culture locale. Nous avons pris un écotour avec JED, un OSBL qui offre des visites et séjour dans quatre villages balinais. L’intention de JED est de proposer une alternative au surdéveloppement touristique et, incidemment, de réduire les conséquences néfastes du tourisme sur l’écosystème. Ils offrent donc des tours dans des petits villages où l’on cultive tantôt le café, tantôt les algues marines, tantôt les fruits, etc. Nous, on a choisi de visiter Sibetan, dans l’est de l’île, parce que dans ce village on pouvait habiter chez une famille de la place. Ici, ce sont les fruits « salak » (en anglais snake skin fruit) qui font la réputation du village.

Gede, notre guide, nous emmène donc à Sibetan, après un arrêt au breau de poste d’Ubud (wow! Les Balinais ont beau conduire en clowns, au moins ils n’emballent pas comme des Chinois!). À Bali, pas besoin de consulter un dictionnaire des prénoms pour choisir comment appeler son enfant. C’est simple, garçon ou fille, le premier est nommé Gede, Putu ou Wayan, le deuxième, Made, Kadek ou Nengah, le troisième, Nyoman ou Komang et le quatrième, Ketut. Souvent, ils ont aussi une autre partie au prénim, qui diffère selon la personne. Il n’y a pas de nom de famille. On met « I » au début du nom si c’est un garçon et « Ni » si c’est une fille. Notre guide est donc l’aîné de sa famille… ou le 5e, puisque les noms se répètent après le 4e enfant! Très peu de chances de croiser une autre Mélissandre Tremblay-Bourassa!

Deux heures de trajet sur des petites routes sinueuses qui traversent des villages perdus entre des collines couvertes de rizières en terrasse, wow, sortez vos kodak, ça fait des beaux fonds d’écran! Le terme vert ne s’applique plus ici, je proposerais plutôt survert! En route, on arrête à Semarapura, sur le bord d’une rivière où les habitants se baignent, ramassent du sable pour faire du ciment ou lavent leurs vêtements. Le long des routes, on voit souvent des pantalons, des chemises qui sèchent sur le gazon. Croyance balinaise : les vêtements sont considérés impurs et ne peuvent donc pas être placés en hauteur. D’ailleurs, tous les hôtels où nous avons séjourné fournissaient un support pour faire sécher le linge et spécifiaient de ne pas suspendre nos choses ailleurs! Tout près de la rivière à Semarapura, on voit aussi un groupe de jeunes qui construisent des « ogoh-ogoh ». Ce sont des personnages géants qui représentent les mauvais esprits. La veille du Nouvel An balinais ( le 16 mars cette année), un défilé promène les ogoh-ogoh dans les rues puis on les brûle, ce qui éloigne les mauvais esprits. Le lendemain, premier jour de l’année, est une journée de silence et de jeûne, on ne sort pas de chez soi, on reste très calme pour permettre aux bons esprits de s’installer! Des fois, c’est intéressant d’avoir un guide pour nous expliquer les us et coutumes de la place!

À notre arrivée à Sibetan, on nous accueille à la place commune avec des collations de salak : quelques fruits frais, bien sûr, mais aussi des salak séchés et de la pâte de salak sucrée. Deux sortes de fruits sont cultivés : les sucrés, qui goûtent un peu comme un lychee croisé avec un raisin vert et les amers, qui servent à faire de l’alcool. Miam! Après la collation, on marche vers la maison où on sera logés et… on prend un dîner! Quel festin, on mange comme des rois! Au menu : de l’omelette, des satays de porc, de bœuf et de poulet, des tiges de salak (cette partie de l’arbre est un légume), des fleurs sautées, des légumes verts et, bien sûr, du riz et des salak! Camil, lui, s’en tient aux salak séchés et à ses petits biscuits.

L’après-midi, Gede nous emmène faire le tour du village et des champs de salak (est-ce qu’on dit un champ de salak? Une plantation? Une forêt? Mmm, bonne question…). Il nous explique les différents usages des plantes, nous montre des cacaotiers, des orangers, des arbres à café, à papayes, à mangoustans… Le tout se passe dans un anglais tout à fait balinais, c'est-à-dire que c’est un peu dipicile à comfrendre, car en Bahasa Indonesia le P et le F sont interchangeables, mâle et femelle deviennent donc « meel » et « peemeel »… Tout de même, nous sommes fascinés par ce savoir des plantes, que les Québécois ont perdu quelque part en route vers la modernité. La randonnée se termine au coucher du soleil, entre les arbres à salak, qui sont courts et couverts de longues épines. On comprend d’où vient la pelure du fruit, toute en écailles piquantes!

De retour chez nos hôtes, Camil fait une sieste et Gabriel « prend une douche ». J’utilise les guillemets car les installations sanitaires sont… rudimentaires : toilette turque et bassin d’eau froide avec un seau… Ouf, ça réveille! Bon, l’avantage c’est qu’on gaspille moins d’eau. Gabriel est convaincu que les hôtes ont une belle salle de bain à l’occidentale, mais que les invités ont le trou dans le plancher parce que ça fait plus écotourisme! J’avoue que nous ne sommes pas chez les plus démunis : dans le jardin, une grosse antenne satellite trône fièrement. La maison est en fait un petit complexe de plusieurs chambres fermées avec un espace ouvert au milieu et une petite véranda qui sert de salle à manger. En parlant avec notre hôte (dont j’oublie le nom), on apprend qu’il est en fait le maire du village et le prof de religion de l’école secondaire. Il a deux enfants, qui sont déjà grands. D’ailleurs, à Bali les enfants font partie de la vie, les familles peuvent être assez nombreuses.

Au souper, on mange à peu près la même chose qu’au dîner, mais rajoutez du satay de porc-épic fumé fraîchement chassé, d’où le commentaire cocasse de Gabriel : « j’ai du porc-épic pogné entre les dents… heille, c’est la première fois de ma vie que je dis ça! ». Gede nous explique encore quelques façons de faire et croyances balinaises. Par exemple : les femmes sont responsables de la vente des salak, elles se lèvent à 3h du matin pour aller au marché, qui termine à 6h. Autre histoire qui m’a marquée : les bébés balinais ne peuvent pas toucher le sol avant l’âge de 3 mois, parce que la terre est impure. Celle-ci m’inquiète un peu plus, vue la génétique Tremblay dont j’ai héritée : tous les enfants se font limer les dents parce que les dents inégales relèvent des mauvais esprits…

La nuit, on dort assez mal. On se fait continuellement réveiller par les hocquets du gecko, qui crie son nom si fort qu’on pense que c’est une alarme qui sonne à côté de notre fenêtre : Ge’ ckooo, Ge’ ckooo! La nuit termine de bonne heure, avant le lever du soleil, car les coqs hurlent à tue-tête. Camil trouve ça bien rigolo. « Entendu Cocololo? Ah, c’est cocololo! »

On déjeune (ça ressemble aux autres repas, mais maintenant les fleurs sautées sont rendues dans une omelette) et on fait une dernière visite avant de quitter Sibetan. Gede nous emmène voir les villageois qui préparent les offrandes pour la fête de l’éducation, qui aura lieu le lendemain. Des madames potineuses tressent des paniers en feuilles de babanier et un homme tient un poulet au cou tranché pour faire égoutter le sang dans un panier… « Bye bye, cocololo! », dit candidement Camil. Oui, c’est à peu près ça…

On monte, monte, monte pendant une heure et demie sur une petite route en « s » périodique, on monte jusqu’au sommet du volcan Batur, 1717m. En fait, c’est un volcan dans un cratère de volcan, on voit très bien des coulées de lave qui datent de l’éruption de 1974. On s’arrête pour prendre quelques photos, une vendeuse nous harcèle (je vous jure, elle ne nous lâche pas pendant 5 minutes!) pour qu’on lui achète des crayons ou je ne sais quoi. Gabriel veut acheter des bananes pour Camil, la vendeuse demande 35 000 roupies, ça fait 4 US pour quelques petits fruits!!! Gabriel offre 10 000 roupies, la vendeuse fait les gros yeux et répète son prix. Gabriel lui redonne les bananes… et obtient gain de cause. Je veux bien croire qu’on est touristes et qu’on a de l’argent, mais est-ce une raison pour payer nos bananes plus chères que ce qu’on les vend au Québec, après de kilomètres sur la route? Évidemment,quand Gabriel s’informe auprès de Gede pour savoir combien on devrait payer pour des bananes, il rit timidement mais ne donne pas de prix…

Après avoir monté jusqu’au sommet du volcan, on redesssssssssssssscend ssssssans cesssssssssssse la route ssssssssssssssinueuse. Camil ne sssssssomnole plus, il ssssssssss’impatiente un peu et réclame « chanson poisson », « chanson bonhomme », « chanson papillon », « chanson fromage », « chanson voyage », « chanson grenouille » et « chanson légume » (pour la discographie complète, consulter Passe-Partout, Volume 1). Comme dirait ma mère, tant qu’il ne demande pas « chanson trois p’tits chats »…

L’aventure se termine, après 3h de route et à 15 minutes de l’arrivée, par un vomi parabolique de Camil dans la minivan de Gede… Quand on sort du véhicule pour constater l’état des dégâts (Gros Toutou a écoppé plutôt que le plancher de la van…), on cherche une poubelle introuvable pour jeter notre sac de vomi. Gede nous dit de jeter le tout… dans la rivière. Quoi? On bouge pas, alors il répète, oui oui, dans la rivière, c’est correct! Après la collecte sélective, voici la conscience écologique sélective… Franchement, comme guide écotouristique, on a vu plus soucieux de son environnement! On avait envie de lui dire qu’il n’y a pas juste les touristes qui détruisent la nature… D’ailleurs, pas certaine qu’il y ait un camion de poubelle qui passe tous les jeudis soir et lundis matins ici, encore moins de bacs verts! À Sanur, Evie m’expliquait qu’elle devait payer pour que le camion de vidange passe par chez elle, puisqu’elle habitait à l’extérieur de la ville. Ses voisins, considérant cela comme une dépense inutile, préféraient brûler leurs déchets, même si la ville l’interdit. Avant de construire des hôtels 5 étoiles, copies de grandes chaînes américaines, on pourrait peut-être doter l’île d’un bon système de gestion des déchets? Mais est-ce vraiment la faute aux touristes si la nature balinaise se détériore????

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