Ho Chi Minh…
Ça commence par des motos, des motos et des motos dans tous les sens, juste à côté de toi les motos, à l’envers du traffic les motos, dans la ruelle étroite les motos! Des motos pour 2, pour 3, pour 4, des motos qui transportent de tout et n’échappent rien, des motos chargées telles de modernes mulets… et par ici les klaxons! Tuut tuut! Bruyant bordel!
Puis, en plein milieu de ce tissage automobile, une vieille dame vêtue d’un pyjama et coiffée d’un chapeau pointu transporte tranquillement son petit magasin dans deux paniers suspendus à un bâton de bois. Portrait rétro!
La rue Pasteur croise la rue Nguyen Than Truan, le café Givral fait face au tailleur dont le nom m’est impossible à prononcer. Au déjeuner, on mange de la baguette et du fromage « la vache qui rit » et pour souper on savoure une copieuse « pho bo »… à l’aide de ses baguettes! Étrange mélange!
Une langue aux multiples tonalités empruntées à la Chine, mais dont les pictogrammes ont été remplacés par un alphabet bien connu. Accents graves, accents aigus, accents circonflexes, petits demi-points d’interrogations, une barre sur le D, un point sous le C… Quelque chose me dit pourtant qu’on n’est pas tout à fait en France… Plume unique!
Une guerre barbare, sauvage, illogique, déplorable, douloureuse, une guerre inoubliable aux cicatrices humaines parfois insoutenables. Tueries atroces.
La rue comme maison, comme magasin, comme restaurant, la rue généreuse qui accueille tous ces vendeurs ambulants, ces restaurants de fortune, ces travailleurs qui installent leur hamac entre un lampadaire et leur guidon de moto. Quotidien dépouillé.
Enfin un peuple tenace et surprenant, plus fort que la guerre, plus fort que la misère, un peuple qui vit souvent le sourire aux lèvres malgré son lourd passé, son présent hypothéqué…
Vous êtes au Viêt-Nam, bien sûr!
Et moi je m’y suis promenée longtemps et longtemps, dans ce Viêt-Nam grouillant. Chaque jour je me suis demandé si c’était la dernière fois que je traversais la rue avec tous mes membres intacts. Mais non. Ça fonctionne, le désordre automobile, les empilades ambulantes, le chaos mouvant, je ne sais pas comment mais pourtant…
Je m’y suis promenée, je me suis fait regarder beaucoup, beaucoup, de cet air qui semblait me demander ce que je foutais là, chez eux. Cheveux châtains, yeux bleus, appareil photo arrogant, guide du routard à la main, je ne suis clairement pas de la place. Et puis je n’ai pas la feuille d’érable tatouée dans le front! Je suis peut-être petite-fille d’un ancien soldat américain… Alors oui, qu’est-ce que je fais ici à contempler vos rizières à cratères? Eh bien je les pleure, vos âmes perdues, vos vies volées, vos libertés violées! Je regarde ces enfants difformes et j’imagine le visage de Camil et votre réalité me fend le coeur, me choque, me désole.
Pourtant, quand un touriste s’informe auprès d’un Vietnamien, ancien traducteur pour l’armée américaine, l’homme dit calmement qu’il n’a pas eu l’impression de travailler pour l’ennemi, car les Vietnamiens n’aiment pas le communisme. Si seulement la question était aussi tranchée, l’histoire aussi unidimensionnelle…
Ho Chi Minh comme cadeau de fête, maman s’est fait plaisir. J’ai marché toute la journée sans m’arrêter, j’ai magasiné encore et encore, je me suis fait confectionner une robe sur mesure, j’ai pris des photos à la tonne, dix fois la même moto s’il faut, 20 minutes sur le même coin de rue au besoin, j’ai visité un musée et j’ai lu toutes les explications sous toutes les photos affichées, je suis sortie dans un club de jazz, je suis allée au cinéma, j’ai turlutté le reel du pendu (!!) dans le seul pub irlandais de la ville, j’ai même gigué à côté de la violoneuse qui jouait un de ces reels qui me semblent si familiers mais dont la tradition a oublié le nom!! Quel égoïsme en cette terre communiste!
Une maman sans bébé, une amoureuse sans mari, une artiste sans maquillage, qui étais-je donc dans ce Viêt-Nam vibrant? Cette jeune routarde qui trotte le globe, est-ce moi? Qu’est-ce qui me définit? Je ne suis qu’une petite personne, puis-je vraiment embrasser toutes ces routines? Ou est-ce simplement le concept d’identité qui est trop théorique? Regarde ces vaillants Vietnamiens de la rue, ils vivent, c’est tout! Une bonne bouffée d’air et un peu de soupe suffisent peut-être…
Je suis partie sans Camil. J’en ai vu beaucoup plus, certes, mais je n’ai parlé à personne, et personne ne m’a parlé. Comment sont les Vietnamiens? Je ne peux vous dire que quelques vérités empiriques, inventées par mes yeux bleus qui cherchent le secret de ces yeux bridés. Camil représente toujours ce point commun, ce sentiment universel d’amour parental. Quand on rencontre des parents asiatiques, on sait qu’eux aussi jouent à coucou et s’étonnent de voir leur enfant prononcer des mots qu’il ignorait encore hier. Moi je suis passée incognito.
Et maintenant, de retour au royaume des casinos, il me reste le souvenir vibrant d’un pays à la culture forte, marqué par une histoire indélébile.
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2 commentaires:
Quel beau texte! Il faut vraiment que tu écrives plus souvent...
Et Valérie ajoute: Effectivement superbe texte qui nous transporte dans une ville, dans une paire de yeux bleu et une pensée.
Merci pour le voyage et pour la réflexion!!
Tu prima
xxx Valéria
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