À Singapour, j'ai parfois eu l'impression d'être en Amérique du Nord. La ville est bien propre et ordonnée dans certains quartiers. La plupart du temps, je me balladais sur des trottoirs en bon état et bien dégagés, le long de larges avenues bordées d'arbres...
Puis, l'instant suivant, les relents du poisson séchant au soleil me rattrapaient, ou bien un camion me dépassait, sa boîte ouverte transportant une douzaine de travailleurs indiens qui s'entassent debout.
Same same but different, comme dit la boutade. Singapour n'était donc pas tout à fait occidentale, ni totalement asiatique non plus.
Puis, j'ai pensé que l'erreur était plutôt de vouloir relier Singapour à ces deux extrêmes géographiques que sont l'orient et l'occident. Pourquoi, au fond, devrait-on dire que ça tient « un peu de l'Angleterre, un peu de l'Amérique et un peu de la Chine »? L'essence de Singapour mérite-elle un tel éclatement?
En regardant dans l'histoire de la ville-pays, on réalise bien vite que le métissage et la rencontre des cultures font partie du portrait depuis toujours. Par sa situation géographique clé, Singapour a été un lieu de transit pour les commerçants de toute l'Asie, sans bien sûr oublier sa domination britannique et, plus tard, japonaise.
Le multiculturalisme n'est donc pas qu'une affaire de mode à Singapour : c'est sa quintessence. Singapour, c'est ça : c'est la rencontre unique entre l'Inde, la Chine, le peuple peranakan, le peuple musulman, l'influence britannique et tout le reste! C'est un Chinois qui prie Bouddha dans un quartier musulman, le long d'un grand boulevard à l'américaine. C'est bouffer une pizza au jambon accompagnée d'un thé chaï dans le resto du musée des civilisations asiatiques. C'est un lieu qui ne se décrit pas qu'en un mot, sinon celui-ci : pluriel.
Saisir l'essence d'un lieu : voilà bien le défi de la voyageuse que je suis. À chaque nouvelle visite, je tente de vous décrire en quelques phrases (et des centaines de clichés, hum...) ce que je perçois d'une culture, en gardant bien à l'esprit que ce n'est qu'un portrait partiel, vu les courtes durées de mes séjours. Jusqu'à maintenant, je m'étais retrouvée dans des cultures assez homogènes et relativement traditionnelles, donc plutôt faciles à cerner. Bien sûr, il est impossible de ranger tout le monde sous la même bannière, et ce serait irrespectueux pour toutes ces minorités et ces communautés ethniques qui donnent une couleur à un peuple, mais disons qu'à Singapour il est difficile d'établir une culture dominante et d'autres qui gravitent autour.
Ces réflexions de voyage m'ont aussi amenée à me questionner sur l'identité montréalaise. Qu'est-ce que Montréal, comment la décrire? Souvent, j'ai eu l'impression que notre culture était pauvre si on la comparait à ces traditions millénaires de Bali ou du Viêt-Nam. J'ai eu l'impression de ne pas pouvoir mettre le doigt sur ce qui était « typiquement montréalais », mais plutôt sur des parcelles empruntées à d'autres cultures et raboudinées ensemble. Mais mon passage à Singapour m'a fait comprendre une chose : l'éclectisme culturel vaut tout autant que l'homogénéité, et l'essence d'un lieu n'est pas l'addition de plusieurs éléments culturels étrangers, mais bien le tout créé par la rencontre unique de tous ces peuples, à un moment précis, dans un lieu géographique précis, selon une histoire qui leur est propre. Unique, comme dans « impossible à retrouver ailleurs ». Et si on y retrouve une grande diversité, c'est que cette variété peut elle aussi être une caractéristique culturelle à part entière. Car, contrairement à ce qu'on pourrait croire en restant à Montréal, ce ne sont pas tous les endroits sur la planète qui donnent dans la fusion culturelle.
C'est donc en me promenant dans Singapour, entre un centre d'art ultra-moderne en forme de durian et une échoppe de nouilles thaïes tenue par des hindous, que je me suis réconciliée avec le pluralisme montréalais... puisqu'il est unique!
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1 commentaire:
Bel hommage à Singapour et... à Montréal !
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